"P'tits cailloux"
Recueil des écrits d’Anne-Sophie entre le 14 juin 2010 et le 17 janvier 2011 :
Le lundi 14 juin 2010.
Billet pour la News Letter n°7 du Rocher.
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Jean 21, 15
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? »
Cette question de Jésus à Pierre m’a réveillée, une nuit de l’été dernier.
Ceux-ci, pour moi, c’était d’abord ceux que le Seigneur m’a donnés, Cyril, nos trois garçons, le bébé que j’attendais.
Bien sûr, Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je t’aime !
Bien sûr, en théorie… Mais si on me demandait de choisir ? Dieu est-Il tellement vivant en moi que je puisse dire que c’est Lui qui vit et aime en moi ?
M’aimes-tu, Moi, plus que ce que tu fais pour moi ?
M’aimes-tu plus que tes occupations, tes soucis, tes propres désirs, tes projets ? La lecture d’un commentaire m’a éclairée. Il parle de ce passage comme d’un second appel, un second « Suis-moi », qui vient après l’enthousiasme des débuts, après les épreuves, les croix et les résurrections, les infidélités. Un second appel pour un second Oui.
Oui, Seigneur, je veux T’aimer !
M’aimes-tu plus que ceci, ou cela ?
Cette phrase m’a finalement accompagnée au long de l’année.
A plusieurs occasions, au cours de l’Avent, du Carême, ou d’autres moments encore, elle est revenue à moi, comme un rappel.
J’ai bien été obligée de reconnaître que, souvent, le temps consacré à Dieu ne reflétait pas cette priorité qui aurait dû être la mienne, que bien souvent, je passais plus de temps à faire des choses inutiles qu’à m’occuper de l’essentiel, que plus souvent encore, je n’arrivais pas à L’aimer vraiment, plus que tout.
Ma réponse n’a plus été la même, alors. Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je n’y arrive pas, donne-moi juste le désir de T’aimer, et viens aimer en moi.
Dimanche 20 juin.
Lundi [14 juin], on m’a annoncée que j’avais une tumeur. J’allais voir le médecin pour des douleurs et une grosseur au niveau pelvien, et je me retrouve aux urgences.
Après échographie, le médecin m’annonce que j’ai une tumeur à l’ovaire gauche.
Depuis lundi, ma vie a changé. Non en apparence, -j’accomplis les mêmes gestes qu’avant-, mais intérieurement, comme une mutation. Depuis lundi, le ciel me semble plus bleu, les nuages plus blancs, je remarque la forme du petit caillou ; tant de choses que je ne regardais plus.
Je pense que ma vie ne sera jamais plus la même, car depuis lundi, je pense à la mort, je l’envisage comme quelque chose faisant partie de ma vie, plus comme un horizon lointain. Depuis lundi, je vis au jour le jour, ma vie se déroule heure après heure, je ne me projette plus dans un avenir hypothétique ou fantasque, je vis, c’est tout …
Vendredi, en sortant de chez le chirurgien, je ne vois que la Méditerranée, je ne sens que l’odeur des pins. Forte.
Il vient de m’annoncer que l’on va m’opérer, qu’il est inquiet, il a prononcé le mot de cancer, mais je n’arrive pas à y penser. Je ne vois que la vie, LA VIE. Dans toute sa grandeur et sa simplicité, LA VIE dans toute sa splendeur. Oui, nous sommes faits pour la vie, je me sens vivante plus que jamais.
Nous sommes faits aussi pour La Vie, la vraie, la vie en plénitude, celle qui coule en nous et s’accomplit en Dieu.
Oui, j’aime la vie, je l’aime passionnément et douloureusement, et pourtant, je dois envisager de devoir peut-être la quitter.
Mardi 22 juin.
L’opération s’est bien passée. La tumeur est retirée, je n’ai donc plus d’ovaire et de trompe gauche.
Le médecin a fait des prélèvements sur l’autre ovaire, le péritoine, à divers autres endroits où il aurait pu trouver des signes de cancer.
Finalement, il ne m’a pas fait de laparotomie, il a réouvert mon ancienne cicatrice [d’une césarienne] en l’élargissant un peu des deux côtés.
Je me sens plus sereine, plus confiante en l’avenir. Ça y est, je n’ai plus de tumeur.
J’ai réalisé aussi à quel point Dieu nous accompagne tout au long de nos vies. Il est là dans la prière de tous les frères, de tous ceux qui ont prié pour moi. Il est présent dans les textes reçus, les encouragements, les visites.
Il est là aussi dans cet hôpital Nord, Il nous ouvre les bras, attend notre amour.
De ma chambre je vois Marseille, Notre Dame de la Garde qui se découpe sur la montagne, toute illuminée la nuit, je vois la Mer, l’immensité du Ciel, les bateaux en partance pour d’autres destinations ; et je vois la ville, les barres, les tours, l’autoroute avec son flot de voitures et de camions, tous ces hommes qui courent vers où ? vers qui ? vers quoi ?
Tous ces gens qui ignorent sûrement que Dieu est là, dans leur vie, dans le monde ; qu’Il est là, immuable, depuis toute éternité, alors que nous nous courrons. Il est là, comme disait le Curé d’Ars.
IL EST LA !
Il est là dans la création, dans la beauté de la terre, dans la beauté de la vie, dans le vent qui nous vivifie, dans la pluie qui nous désaltère.
Il est là, et rien que pour ça nous devons le Louer.
Il est là dans mon cœur, il était là sur la table d’opération quand je me suis endormie.
Il est là.
Mercredi 23 juin.
Seigneur, je ne sais pas ce que tu veux me dire à travers cette épreuve. Donne-moi de désirer faire Ta Volonté plus que tout.
Phrase qui m’a touché dans la prière à ND du Laus, donnée par des frères.
« Fais que (…) par l’intercession de Marie, demeure de l’Esprit Saint, nous nous laissions transformer pour vivre aujourd’hui la fidélité à l’Evangile, dans l’Eglise et dans le monde. »
Ps 29 (28)
« De toi mon cœur a dit : « Cherche sa face ». C’est ta face, Yahvé, que je cherche, ne me cache point ta face. »
« Enseigne-moi, Yahvé, ta voie, conduis-moi sur un chemin de droiture. »
Mercredi 21 juillet
Je reprends mon cahier, un mois après.
Me voilà de retour à l’hôpital. Les suites de l’opération ont été plus dures que prévu, surtout au niveau de mon état général. Grosse fatigue, amaigrissement. Et puis il y a eu l’accompagnement malgré moi de ma voisine de chambre vers la mort de son bébé. Antoine, son petit Antoine est parti le 24 juin, jour de notre sortie à toutes les deux.
Nous avions pu auparavant prier ensemble, le confier à ND de la Garde.
Elle lui a fait une dernière onction avec l’huile de ND du Laus que je lui avais remise. Très beau moment donc, très grave, très profond, mais tellement douloureux.
Je pleurais souvent les premiers jours de mon retour à la maison. Puis les choses se sont améliorées, la fatigue s’est estompée. J’ai repris du poids …
Tout s’annonçait donc pour le mieux, et le 5 juillet, jour de consultation avec le chirurgien, tombait le jour de la St Antoine.
Nous y sommes donc allés, plutôt confiants.
Et puis là …
Le médecin me demande comment je vais depuis l’opération, « plutôt bien », puis rapidement « J’ai de très mauvaises nouvelles pour vous. Vous avez un cancer, c’est une forme très rare, et malheureusement très agressive ».
Mots terribles, et en même temps mots si simples, vides de sens et prenant pourtant une telle signification …
Je ne peux pas parler de choc, parce que je crois qu’au fond de moi je le sentais.
Nous nous voulions pleinement optimistes, mais je savais que les choses n’allaient pas s’arrêter là.
Il m’énonce alors ce qui va se passer, tout doucement : « Nous allons devoir vous réopérer, cela veut dire que vous serez ménopausée, que vous ne pourrez plus avoir d’enfants ». Ces mots sonnent pour moi le glas. Mon cœur saigne, les larmes coulent. C’est pour moi la fin d’une vie, la fin d’un projet, comme un arrêt trop brusque.
Le mot cancer est trop étranger pour moi, je ne l’intègre pas, il ne résonne pas en moi, il ne signifie rien pour moi encore. Mais ces mots-là
« Vous ne pourrez plus avoir d’enfants ».
Ceux-là résonnent en moi, ceux-là sont tellement remplis de sens ! C’est tellement contre la vie. Le contraire de la vie !
Lundi 26 juillet 2010.
Ste Anne.
Anniversaire de Cyril.
Je reprends une semaine plus tard, je reparlerai une autre fois des semaines qui ont précédé la chimio.
Je ne pensais pas que ce serait si dur.
Je suis fatiguée, vidée, sans énergie, j’ai l’impression que mes forces me quittent.
Il est midi, j’arrive seulement à me redresser pour écrire. Ça va un peu mieux à l’hôpital, rien à faire, rien à penser que dormir.
Je n’ai plus de force, j’arrête d’écrire.
Lundi 9 Août 2010.
Deuxième cure.
Je mesure un peu plus ces derniers [temps] que c’est aussi dur pour Cyril. Pour moi l’implication est physique, morale, mais pour lui cela concerne son travail.
Le fait de laisser Le Rocher aussi. [...].
Entre deux eaux …
Je pensais tout à l’heure à ce qui nous est arrivé.
J’hésitais entre deux mouvements : me dire qu’ « on » m’avait volé, ce temps, cet été où je ne vais rien pouvoir faire.
Je n’ai pas été à la mer une seule fois, pas de sport, pas de sortie.
Foutu cancer !!!
Mais on peut aussi voir les choses autrement : ce temps nous est donné. Donné comme une retraite, une réflexion, un recul par rapport à notre rythme de vie élevé.
Je crois que c’est certainement les deux à la fois, ou les deux l’un après l’autre, tout dépend de l’humeur dans laquelle on se trouve !
Mardi 10 Août.
Reçu la visite d’Agnès hier, très beau temps fraternel, très beau partage.
Aujourd’hui, Marie-Hélène et Jacques sont venus de Toulon m’apporter la perruque et les turbans. Beaux frères, beau partage également !
Mais là, dur dur ! Coup de blues, envie de pleurer. Fatiguée, envie de courir, les enfants et Cyril qui me manquent …
J’ai envie d’être à la maison. Déjà marre de l’hôpital, pourtant tout le monde est très gentil.
Mais envie de rentrer …
Jeudi 12 Août.
Crevée, mal au cœur, trop chaud, trop froid, j’en peux plus. Mal dormi à cause de la nausée, des perf à changer jusqu’à 2h du mat encore une fois.
Fatiguée de tous ces traitements qui me mettent à plat et de tous ces effets secondaires, allergies …
Pas de date.
Toi au creux duquel j’ai pu me réchauffer quand j’avais froid.
Toi qui m’as toujours offert tes bras pour me rassurer quand j’en ai eu besoin.
Toi dont j’ai dû renoncer à la douce présence à mes côtés pour que tu veilles sur nos enfants.
Le 16 Août 2010.
A Toi …
A toi qui n’a jamais désespéré, abandonné
A toi qui n’a pas perdu pied quand ma vie a sombré, me paraissant tout à coup si fragile, futile
Quand mes rêves, mes espoirs se sont écroulés,
Balayés par un mot qu’on m’a asséné
- cancer -
A toi qui a pleuré avec moi
Quand nous avons cru que pour moi c’était la fin
A toi qui m’as dit que tu me trouvais Belle
Quand j’étais amaigrie, sans cheveux, épuisée
A toi qui m’as portée quand je ne pouvais plus marcher
A toi qui as été mon sourire quand je n’y arrivais plus
A toi qui a porté, réveillé, lavé, habillé, fait manger, changé, soigné, consolé, encouragé, débarbouillé, rangé, débarrassé, nettoyé
Au long de ces semaines quand je n’étais plus que nausée et fatigue.
A toi, mon Amour, je veux te dire merci.
Tu es pour moi l’homme, l’amant, l’époux, l’ami, le père
Merci pour ces dix années et pour nos enfants
Pour toutes ces épreuves qui nous ont rapprochés
et aujourd’hui, pour ce cancer qu’ensemble nous avons terrassé.
Ma route est plus belle depuis qu’elle a croisé la tienne,
depuis que nous marchons côte à côte vers le même rivage
Je veux te redire ce que je n’ai jamais dit qu’à toi,
comme le souffle de mon âme :
« Je t’Aime » …
Lundi 23 Août.
Fin cure n°2.
[Notes de musique dessinées. Ecriture en orange]
I feel « orange » today …
I feel plutôt bleu turquoise, mais j’avais envie d’écrire en orange …
Un très bel hymne du jour :
« Splendeur de la gloire du Père,
Lumière exprimant la lumière,
Lumière et source de lumière,
Jour qui rend lumière les jours.
Viens à nous soleil véritable,
Etincelant pour les siècles,
Pénètre nos intelligences
Des rayons de ton Esprit Saint. »
Petite résurrection pour moi, après quasiment deux semaines très dures !
Malade, malade, malade !
Plus de force, trop mal, rien mangé, rien bu, donc très très faible.
J’ai même dû être perfusée à la maison car les reins commençaient à se bloquer.
Plus des perf pour les vomissements, plus des piqures pour les globules blancs. J’ai pu offrir toutes ces souffrances et fatigues pour le Pèlerinage des Cités. Départ vendredi, Cyril y était pour le car de Marseille/Toulon, et me dit qu’il a promis que j’offrirai tout à cette intention. Je me suis dit : « Oh là ! Je vais passer quelques mauvais jours … »
Et ça n’a pas manqué, malade dès le vendredi soir, retour à la maison. Jusqu’au vendredi suivant, premier jour où je n’ai pas vomis !
Semaine très dure, donc, je ne pensais pas qu’on puisse être aussi mal.
Sentir ses forces qui nous quittent, plus d’énergie, difficile même de me tenir assise, mal, très mal. Et la nausée …
Au plus dur, au plus bas de ces jours, j’ai prié et pleuré vers le Seigneur en lui demandant une seule chose : que ça ne revienne jamais …
Je lui ai demandé aucune récidive, jamais.
Une fois qu’on est passé par là, qu’on sait ce qui vous attend, ça doit être trop dur de recommencer. Trop dur, insupportable. Je comprends ceux qui baissent les bras.
Quand je dis que je n’ai demandé qu’une chose au Seigneur, en fait j’en ai demandé deux :
La première, que mes enfants n’aient jamais le cancer, qu’ils ne passent pas ce chemin où je suis passée.
Entre les deux, je préfère celle-là !
Mardi 24 Août.
St Barthélemy
Long temps de prière aujourd’hui. J’ai récité la si belle prière de Charles de Foucault et me suis interrogée sur Dieu le Père. Qui est-Il ? Comment Le prier ? Ressemble-t-Il à Jésus ? (qui Me voit, voit le Père).
Chanté le chant « Maître montre-nous le Père ».
Je vais me concentrer sur cela dans mes prochains temps de prière. Puis lire longuement la Parole de Dieu : j’ai relu tout le livre de Tobie et l’intro aux livres de Tobie, Judith et Esther. Je pense relire le livre d’Esther dans les prochains jours.
Sinon, aujourd’hui tout va très bien !
En forme !!!
Mercredi 1er septembre.
Rentrée scolaire des enfants
Alexandre : moyenne section
Raphaël : rentrée au CP !
Maxime : rentrée au CE1.
Premier jour où Cyril n’est plus le directeur du Rocher …
Il est 6h du matin, ça fait une heure que je ne [me] rendors pas, on m’a changé les perf tout au long de la nuit quasiment toutes les heures ! Mais bon, moins dur que d’allaiter toutes les heures la nuit !! Et puis je peux dormir en journée.
Beaucoup pensé et prié pendant cette heure, les deux mêlés.
Pensé à la vie, à l’urgence de vivre qui nous apparaît tout à coup quand on se dit que c’est peut-être la fin, urgence de vivre dont ne se rendent pas compte « les autres ».
La vie ne devrait pas être cette survie dont on se contente souvent, enchaînement des habitudes, des silences, du bruit, des activités, Et comme la vie, l’amour non plus …
La vie devrait être vraie Vie, vie en abondance, jaillissement, effort conscient, présence à soi-même et aux autres.
Vraie présence. Habiter sa vie. L’enraciner dans nos habitudes, mais les habitudes habitées par nos choix, nourries par eux, orientés par eux, mêlé les souvenirs, les joies, les musiques, les échecs, les souffrances et les épreuves. Mais on ne peut pas vivre uniquement dans ses racines. Il nous faut chaque jour regarder, guetter ces feuilles vertes qui poussent, ces nouvelles fleurs qui s’ouvrent. Guetter la vie. Aimer la vie.
La Vie est comme l’Amour.
L’Amour est comme la Vie.
Il se bâtit sur les racines, un choix, une élection réciproque, puis les habitudes que l’on se choisit, les souvenirs, les rites, les promesses. Mais s’il n’est que cela, il meure.
Il nous faut regarder l’autre chaque jour, pas seulement le voir mais le regarder, se laisser surprendre à nouveau par sa beauté, tel trait auquel on s’est habitué, se laisser surprendre à nouveau par sa bonté, tel talent que le Seigneur a mis en lui/en elle, telle petite chose que l’on n’avait pas - pas encore ! – remarqué, tel effort qu’il ou elle a fait. […].
Vendredi 19 novembre.
Seigneur je veux te dire que je T’aime.
Je crois que je pourrai vivre cette épreuve si Tu es avec moi.
Je Te demande de m’aider, de me donner la force nécessaire.
Viens aussi aider et aimer Cyril et nos enfants, qu’ils ne souffrent pas trop encore une fois.
Eclaire-nous, Guide-nous, Soit le Maître en nos vies !
Seigneur, Papa, prends-moi dans tes bras, j’en ai besoin …
__________
Oui, c’est bien la Croix que j’ai reçue cette année …
Une chose me manque dans cette chambre de l’IPC.
J’ai une belle vue panoramique, mais aucun clocher, aucune église.
Ça me manque pour prier.
Je ne peux voir Dieu que dans mon cœur.
Mercredi 1er Décembre.
Dur aujourd’hui.
Fatiguée, pas le moral.
L’impression que je ne suis plus rien.
Tout ce qui faisait ma vie a disparu.
Je ne suis plus moi-même physiquement.
Je ne peux même plus m’occuper de mes enfants.
Je vais peut-être même devoir laisser ma vie.
Pourquoi ?
Pourquoi Seigneur ?
Pourquoi moi ?????????
Je sais maintenant pourquoi je suis fatiguée.
Le médecin vient de passer : plus de globules rouges ! Les globules blancs remontent, mais les rouges descendent. Du coup on va me transfuser cet aprèm ou ce soir.
Je me remettrai plus vite, c’est pas plus mal !!
Jeudi 16 décembre.
Anne-Sophie se consacre dans la Fraternité de Jésus en l’Eglise St Louis au Rove à Marseille nord.
Vendredi 31 décembre.
- Reçu pour cette année St Pierre Apôtre.
« Tu sais tout, tu sais bien que je t’aime »
= réponse à la question posée par le Seigneur il y a 1 an et demi.
+ Prier pour le St Père et l’Eglise.
- Prière à ND du Rocher
Ecrire + méditer.
Vivre avec Marie
Je t’ai vraiment reçue pour maman.
- reçue aussi pour cette année la joie comme grâce.
= ce dont j’avais besoin.
= je demande au Seigneur de me donner Sa joie !
- reçu encore comme cadeau un petit Jésus dans la crèche. Magnifique, souriant, plein de joie.
- reçu enfin, Jésus comme frère, pleinement, avec Cyril.
= beaucoup de cadeaux pour cette nouvelle année.
= reconnaissance, Louange !!
Lundi 3 janvier.
Anne-Sophie écrit la prière à Notre Dame du Rocher.
Marie, Notre Dame du Rocher, tu es notre mère si douce.
Tu as bercé Jésus Petit Enfant, alors prends-nous aussi dans tes bras.
Nous te présentons ce que nous sommes avec nos richesses et nos pauvretés, nos réussites et nos échecs, nos désirs et nos peurs.
Tu connais chacun d’entre nous car nous sommes tes enfants.
Nous avons besoin de toi pour nous guider, nous montrer le Chemin quand nous doutons, quand nous nous égarons, quand nous n’avons plus la force d’avancer.
Sois notre Etoile dans la nuit, toi la toute pure.
Tu étais là au pied de la Croix, ton Cœur a été transpercé en même temps que celui de ton fils et depuis ce jour tu es devenue notre Mère.
Donne-nous Jésus, montre-nous Son Cœur !
Donne-nous le tien pour l’aimer !
Aide-nous à l’accueillir dans nos vies pour que son Amour se répande autour de nous.
Nous pourrons alors vivre ensemble dans la paix, nous qui sommes tous enfants d’un même Père.
Vendredi 7 janvier.
Prière à Marie. Je lui confie ma guérison.
J’ai bu de l’eau de Lourdes et ai frictionné tout mon corps avec. Si quelqu’un peut obtenir ma guérison du Seigneur, c’est elle.
Envie de la connaître, de la prier plus longuement. Envie de méditer sur Marie au pied de la Croix. Que ressent-elle ? Peur ? Douleur ? Comprend-t-elle ou non ? Foi certainement, toujours, car garde Parole dans son cœur.
Moi aussi je veux garder cette Foi, cette confiance profonde en Dieu, quoiqu’il arrive.
Foi car confiance en Parole de Dieu. La garder dans mon cœur. C’est mon trésor. Mon secret.
Parole de Dieu qui me donne Sa Joie.
Oui Marie, comme toi, avec toi, je ne sais pas pourquoi tant de souffrance, de douleur, je ne comprends pas tout de suite, mais j’ai Foi en Dieu.
Est-ce que tu as su ? Compris, espéré une résurrection ? Peut-être, mais n’as-tu pas su comment ?
J’ai l’intuition d’une résurrection à venir, pour moi. Mais je ne sais pas quand, je ne sais pas comment.
La Résurrection de la guérison ?
La Résurrection après la mort ?
Je ne sais pas, Dieu seul sait.
Mais je sais qu’Il prend soin de moi.
Je l’aime, Il est mon Dieu, mon Roi, mon Père, mon Rocher, mon Espérance et ma joie !
Pas de date précise.
Père = Amour donné
Fils = Amour reçu
Esprit = Amour partagé.
Lundi 10 janvier.
Où il est question de chaussures…
L’autre jour, je pensais à mon enterrement. Je sais, ce n’est pas très réjouissant, mais autant s’y préparer !
J’y pensais donc, me représentant la scène (enfin pas trop tout de même, pour éviter les larmoiements !). Je visualise l’église, les gens, l’autel, mon cercueil, et là, question : que vais-je mettre le jour de mon enterrement ? C’est vrai ça, comment s’habiller pour son dernier voyage ? C’est peut-être un détail, mais qui a son importance ! A la réflexion, je décide de m’en occuper moi-même, parce que si je laisse les autres faire, ça va être la cata ! (ou alors je vais finir en robe de mariée). Je passe mentalement en revue ma garde-robe, pas grand-chose qui se prête à ce genre de circonstance. Je vais quand même pas mettre une robe noire, tout le monde sera déjà habillé comme ça.
Oui parce qu’à y bien réfléchir, je veux être en robe. Je ne me vois pas en jean ou autre pantalon.
Va pour une robe. Mais je veux une robe longue, simple, féminine, fluide, blanche. C’est décidé, elle sera blanche. J’espère que ce sera en été, ce sera plus facile à trouver ! Seulement, si je ne veux pas faire communiante, il faut autre chose. J’ai trouvé ! Je mettrai un foulard rose fuchsia sur la tête (en guise de cheveux !) Et pourquoi pas une rose de la même couleur sur la robe.
Bon, OK pour la tenue, mais il faut aussi des chaussures. Je ne vais tout de même pas être enterrée pieds nus ! Des chaussures, oui, mais lesquelles ?
Jeudi 13 janvier.
Courriel depuis son lit d’hôpital à son accompagnatrice.
Merci MC,
Pour ce réconfort après deux journées un peu plus dures;
Ai eu une nuit terrible niveau douleur (qui touchait les nerfs, donc dure à calmer) puis deux jours "KO". Après tous les antidouleurs, plus anti nauséeux très forts, ils m'ont mis des neuroleptiques en petite dose.
Mon pied à perf ressemble à un arbre de Noel tant il y en a dessus, mais à part ça je sais que Marie est avec moi.
J'ai eu une très belle discussion sur la Foi avec ma mère, aussi avec ma sœur, je rends grâce à Dieu pour ça parce c'est grâce à ce que je vis que l'on parle autant de chose vraies.
Tu dois te douter que ma prière est un peu chaotique et endormie (!!), je ne reprends pied que ce soir, tu vois... mais j'ai pu avoir la Communion aujourd'hui, je suis très heureuse car je l'aurai tous les jeudis en fin d'aprèm: la messe est célébrée à l'hôpital, et soit le prêtre soit une personne de l'aumônerie pourra me l'apporter.
Je te souhaite une bonne soirée, merci encore pour ton message!
Je t'embrasse,
Anne-Sophie
Vendredi 14 janvier.
SMS de Cyril à 00h12:
« Laurent [modérateur de la Cté de l’Emmanuel] m’a demandé que l’on prie et offre pour « une intention particulière » de la Cté ».
SMS d’Anne-Sophie à 00h13 :
« Ok ».
On lui propose de commencer un blog à l’hôpital. Le vendredi14 janvier à 7h59 elle écrit à propos du titre auquel elle pense :
Pourquoi les « P’tits Cailloux » ?
Parce que depuis toujours, j’aime ramasser et collectionner les jolis cailloux, coquillages, bois flottés… Parce que j’ai transmis le virus à mes enfants…
Parce que j’aime aussi observer les petites et grandes choses qui construisent mon quotidien, personnes, rencontres, objets, livres, les regarder sous un autre angle, découvrir dans ce qu’ils ont d’unique quelque chose de la beauté, de la grandeur, de la fragilité, de la profondeur de la vie, et les garder, comme un trésor…
Parce qu’avec lui, nous avons créé un Rocher il y a dix ans…
Parce qu’il y a six mois, un pavé est venu s’écraser sur mon bord de mer, éclaboussant tout sur son passage, balayant ma vie et celle de mes proches…
Parce que, de cette épreuve qui est aussi un chemin, je voulais garder une trace, comme le petit poucet, ne pas oublier…
SMS d’Anne-Sophie à 13h17 :
[je ne vais] « pas bien. prie »
A 3h du matin l'Institut Paoli Calmette de Marseille appelle Cyril (comme il le leur avait demandé) pour lui dire que la fin est imminente. Il s'y rend immédiatement. Il lui tient la main et prie pour l’accompagner jusqu'au bout. Le rythme des battements de son cœur baisse inexorablement. Voyant la fin toute proche, il lui confie une dernière fois "tes enfants et la mission du Rocher". A ce moment là, comme une réponse donnée par Anne-Sophie, son cœur se remet à battre beaucoup plus rapidement. Puis paisiblement se ralentit à nouveau. Cyril l'embrasse une dernière fois...
Le 17 janvier 2011 à 4h45 Anne-Sophie est entrée dans la Vie et l’Amour éternels...
"être une source de fraîcheur spirituelle pour les autres"
Anne-Sophie Tisserand
Le lundi 14 juin 2010.
Billet pour la News Letter n°7 du Rocher.
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Jean 21, 15
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? »
Cette question de Jésus à Pierre m’a réveillée, une nuit de l’été dernier.
Ceux-ci, pour moi, c’était d’abord ceux que le Seigneur m’a donnés, Cyril, nos trois garçons, le bébé que j’attendais.
Bien sûr, Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je t’aime !
Bien sûr, en théorie… Mais si on me demandait de choisir ? Dieu est-Il tellement vivant en moi que je puisse dire que c’est Lui qui vit et aime en moi ?
M’aimes-tu, Moi, plus que ce que tu fais pour moi ?
M’aimes-tu plus que tes occupations, tes soucis, tes propres désirs, tes projets ? La lecture d’un commentaire m’a éclairée. Il parle de ce passage comme d’un second appel, un second « Suis-moi », qui vient après l’enthousiasme des débuts, après les épreuves, les croix et les résurrections, les infidélités. Un second appel pour un second Oui.
Oui, Seigneur, je veux T’aimer !
M’aimes-tu plus que ceci, ou cela ?
Cette phrase m’a finalement accompagnée au long de l’année.
A plusieurs occasions, au cours de l’Avent, du Carême, ou d’autres moments encore, elle est revenue à moi, comme un rappel.
J’ai bien été obligée de reconnaître que, souvent, le temps consacré à Dieu ne reflétait pas cette priorité qui aurait dû être la mienne, que bien souvent, je passais plus de temps à faire des choses inutiles qu’à m’occuper de l’essentiel, que plus souvent encore, je n’arrivais pas à L’aimer vraiment, plus que tout.
Ma réponse n’a plus été la même, alors. Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je n’y arrive pas, donne-moi juste le désir de T’aimer, et viens aimer en moi.
Dimanche 20 juin.
Lundi [14 juin], on m’a annoncée que j’avais une tumeur. J’allais voir le médecin pour des douleurs et une grosseur au niveau pelvien, et je me retrouve aux urgences.
Après échographie, le médecin m’annonce que j’ai une tumeur à l’ovaire gauche.
Depuis lundi, ma vie a changé. Non en apparence, -j’accomplis les mêmes gestes qu’avant-, mais intérieurement, comme une mutation. Depuis lundi, le ciel me semble plus bleu, les nuages plus blancs, je remarque la forme du petit caillou ; tant de choses que je ne regardais plus.
Je pense que ma vie ne sera jamais plus la même, car depuis lundi, je pense à la mort, je l’envisage comme quelque chose faisant partie de ma vie, plus comme un horizon lointain. Depuis lundi, je vis au jour le jour, ma vie se déroule heure après heure, je ne me projette plus dans un avenir hypothétique ou fantasque, je vis, c’est tout …
Vendredi, en sortant de chez le chirurgien, je ne vois que la Méditerranée, je ne sens que l’odeur des pins. Forte.
Il vient de m’annoncer que l’on va m’opérer, qu’il est inquiet, il a prononcé le mot de cancer, mais je n’arrive pas à y penser. Je ne vois que la vie, LA VIE. Dans toute sa grandeur et sa simplicité, LA VIE dans toute sa splendeur. Oui, nous sommes faits pour la vie, je me sens vivante plus que jamais.
Nous sommes faits aussi pour La Vie, la vraie, la vie en plénitude, celle qui coule en nous et s’accomplit en Dieu.
Oui, j’aime la vie, je l’aime passionnément et douloureusement, et pourtant, je dois envisager de devoir peut-être la quitter.
Mardi 22 juin.
L’opération s’est bien passée. La tumeur est retirée, je n’ai donc plus d’ovaire et de trompe gauche.
Le médecin a fait des prélèvements sur l’autre ovaire, le péritoine, à divers autres endroits où il aurait pu trouver des signes de cancer.
Finalement, il ne m’a pas fait de laparotomie, il a réouvert mon ancienne cicatrice [d’une césarienne] en l’élargissant un peu des deux côtés.
Je me sens plus sereine, plus confiante en l’avenir. Ça y est, je n’ai plus de tumeur.
J’ai réalisé aussi à quel point Dieu nous accompagne tout au long de nos vies. Il est là dans la prière de tous les frères, de tous ceux qui ont prié pour moi. Il est présent dans les textes reçus, les encouragements, les visites.
Il est là aussi dans cet hôpital Nord, Il nous ouvre les bras, attend notre amour.
De ma chambre je vois Marseille, Notre Dame de la Garde qui se découpe sur la montagne, toute illuminée la nuit, je vois la Mer, l’immensité du Ciel, les bateaux en partance pour d’autres destinations ; et je vois la ville, les barres, les tours, l’autoroute avec son flot de voitures et de camions, tous ces hommes qui courent vers où ? vers qui ? vers quoi ?
Tous ces gens qui ignorent sûrement que Dieu est là, dans leur vie, dans le monde ; qu’Il est là, immuable, depuis toute éternité, alors que nous nous courrons. Il est là, comme disait le Curé d’Ars.
IL EST LA !
Il est là dans la création, dans la beauté de la terre, dans la beauté de la vie, dans le vent qui nous vivifie, dans la pluie qui nous désaltère.
Il est là, et rien que pour ça nous devons le Louer.
Il est là dans mon cœur, il était là sur la table d’opération quand je me suis endormie.
Il est là.
Mercredi 23 juin.
Seigneur, je ne sais pas ce que tu veux me dire à travers cette épreuve. Donne-moi de désirer faire Ta Volonté plus que tout.
Phrase qui m’a touché dans la prière à ND du Laus, donnée par des frères.
« Fais que (…) par l’intercession de Marie, demeure de l’Esprit Saint, nous nous laissions transformer pour vivre aujourd’hui la fidélité à l’Evangile, dans l’Eglise et dans le monde. »
Ps 29 (28)
« De toi mon cœur a dit : « Cherche sa face ». C’est ta face, Yahvé, que je cherche, ne me cache point ta face. »
« Enseigne-moi, Yahvé, ta voie, conduis-moi sur un chemin de droiture. »
Mercredi 21 juillet
Je reprends mon cahier, un mois après.
Me voilà de retour à l’hôpital. Les suites de l’opération ont été plus dures que prévu, surtout au niveau de mon état général. Grosse fatigue, amaigrissement. Et puis il y a eu l’accompagnement malgré moi de ma voisine de chambre vers la mort de son bébé. Antoine, son petit Antoine est parti le 24 juin, jour de notre sortie à toutes les deux.
Nous avions pu auparavant prier ensemble, le confier à ND de la Garde.
Elle lui a fait une dernière onction avec l’huile de ND du Laus que je lui avais remise. Très beau moment donc, très grave, très profond, mais tellement douloureux.
Je pleurais souvent les premiers jours de mon retour à la maison. Puis les choses se sont améliorées, la fatigue s’est estompée. J’ai repris du poids …
Tout s’annonçait donc pour le mieux, et le 5 juillet, jour de consultation avec le chirurgien, tombait le jour de la St Antoine.
Nous y sommes donc allés, plutôt confiants.
Et puis là …
Le médecin me demande comment je vais depuis l’opération, « plutôt bien », puis rapidement « J’ai de très mauvaises nouvelles pour vous. Vous avez un cancer, c’est une forme très rare, et malheureusement très agressive ».
Mots terribles, et en même temps mots si simples, vides de sens et prenant pourtant une telle signification …
Je ne peux pas parler de choc, parce que je crois qu’au fond de moi je le sentais.
Nous nous voulions pleinement optimistes, mais je savais que les choses n’allaient pas s’arrêter là.
Il m’énonce alors ce qui va se passer, tout doucement : « Nous allons devoir vous réopérer, cela veut dire que vous serez ménopausée, que vous ne pourrez plus avoir d’enfants ». Ces mots sonnent pour moi le glas. Mon cœur saigne, les larmes coulent. C’est pour moi la fin d’une vie, la fin d’un projet, comme un arrêt trop brusque.
Le mot cancer est trop étranger pour moi, je ne l’intègre pas, il ne résonne pas en moi, il ne signifie rien pour moi encore. Mais ces mots-là
« Vous ne pourrez plus avoir d’enfants ».
Ceux-là résonnent en moi, ceux-là sont tellement remplis de sens ! C’est tellement contre la vie. Le contraire de la vie !
Lundi 26 juillet 2010.
Ste Anne.
Anniversaire de Cyril.
Je reprends une semaine plus tard, je reparlerai une autre fois des semaines qui ont précédé la chimio.
Je ne pensais pas que ce serait si dur.
Je suis fatiguée, vidée, sans énergie, j’ai l’impression que mes forces me quittent.
Il est midi, j’arrive seulement à me redresser pour écrire. Ça va un peu mieux à l’hôpital, rien à faire, rien à penser que dormir.
Je n’ai plus de force, j’arrête d’écrire.
Lundi 9 Août 2010.
Deuxième cure.
Je mesure un peu plus ces derniers [temps] que c’est aussi dur pour Cyril. Pour moi l’implication est physique, morale, mais pour lui cela concerne son travail.
Le fait de laisser Le Rocher aussi. [...].
Entre deux eaux …
Je pensais tout à l’heure à ce qui nous est arrivé.
J’hésitais entre deux mouvements : me dire qu’ « on » m’avait volé, ce temps, cet été où je ne vais rien pouvoir faire.
Je n’ai pas été à la mer une seule fois, pas de sport, pas de sortie.
Foutu cancer !!!
Mais on peut aussi voir les choses autrement : ce temps nous est donné. Donné comme une retraite, une réflexion, un recul par rapport à notre rythme de vie élevé.
Je crois que c’est certainement les deux à la fois, ou les deux l’un après l’autre, tout dépend de l’humeur dans laquelle on se trouve !
Mardi 10 Août.
Reçu la visite d’Agnès hier, très beau temps fraternel, très beau partage.
Aujourd’hui, Marie-Hélène et Jacques sont venus de Toulon m’apporter la perruque et les turbans. Beaux frères, beau partage également !
Mais là, dur dur ! Coup de blues, envie de pleurer. Fatiguée, envie de courir, les enfants et Cyril qui me manquent …
J’ai envie d’être à la maison. Déjà marre de l’hôpital, pourtant tout le monde est très gentil.
Mais envie de rentrer …
Jeudi 12 Août.
Crevée, mal au cœur, trop chaud, trop froid, j’en peux plus. Mal dormi à cause de la nausée, des perf à changer jusqu’à 2h du mat encore une fois.
Fatiguée de tous ces traitements qui me mettent à plat et de tous ces effets secondaires, allergies …
Pas de date.
Toi au creux duquel j’ai pu me réchauffer quand j’avais froid.
Toi qui m’as toujours offert tes bras pour me rassurer quand j’en ai eu besoin.
Toi dont j’ai dû renoncer à la douce présence à mes côtés pour que tu veilles sur nos enfants.
Le 16 Août 2010.
A Toi …
A toi qui n’a jamais désespéré, abandonné
A toi qui n’a pas perdu pied quand ma vie a sombré, me paraissant tout à coup si fragile, futile
Quand mes rêves, mes espoirs se sont écroulés,
Balayés par un mot qu’on m’a asséné
- cancer -
A toi qui a pleuré avec moi
Quand nous avons cru que pour moi c’était la fin
A toi qui m’as dit que tu me trouvais Belle
Quand j’étais amaigrie, sans cheveux, épuisée
A toi qui m’as portée quand je ne pouvais plus marcher
A toi qui as été mon sourire quand je n’y arrivais plus
A toi qui a porté, réveillé, lavé, habillé, fait manger, changé, soigné, consolé, encouragé, débarbouillé, rangé, débarrassé, nettoyé
Au long de ces semaines quand je n’étais plus que nausée et fatigue.
A toi, mon Amour, je veux te dire merci.
Tu es pour moi l’homme, l’amant, l’époux, l’ami, le père
Merci pour ces dix années et pour nos enfants
Pour toutes ces épreuves qui nous ont rapprochés
et aujourd’hui, pour ce cancer qu’ensemble nous avons terrassé.
Ma route est plus belle depuis qu’elle a croisé la tienne,
depuis que nous marchons côte à côte vers le même rivage
Je veux te redire ce que je n’ai jamais dit qu’à toi,
comme le souffle de mon âme :
« Je t’Aime » …
Lundi 23 Août.
Fin cure n°2.
[Notes de musique dessinées. Ecriture en orange]
I feel « orange » today …
I feel plutôt bleu turquoise, mais j’avais envie d’écrire en orange …
Un très bel hymne du jour :
« Splendeur de la gloire du Père,
Lumière exprimant la lumière,
Lumière et source de lumière,
Jour qui rend lumière les jours.
Viens à nous soleil véritable,
Etincelant pour les siècles,
Pénètre nos intelligences
Des rayons de ton Esprit Saint. »
Petite résurrection pour moi, après quasiment deux semaines très dures !
Malade, malade, malade !
Plus de force, trop mal, rien mangé, rien bu, donc très très faible.
J’ai même dû être perfusée à la maison car les reins commençaient à se bloquer.
Plus des perf pour les vomissements, plus des piqures pour les globules blancs. J’ai pu offrir toutes ces souffrances et fatigues pour le Pèlerinage des Cités. Départ vendredi, Cyril y était pour le car de Marseille/Toulon, et me dit qu’il a promis que j’offrirai tout à cette intention. Je me suis dit : « Oh là ! Je vais passer quelques mauvais jours … »
Et ça n’a pas manqué, malade dès le vendredi soir, retour à la maison. Jusqu’au vendredi suivant, premier jour où je n’ai pas vomis !
Semaine très dure, donc, je ne pensais pas qu’on puisse être aussi mal.
Sentir ses forces qui nous quittent, plus d’énergie, difficile même de me tenir assise, mal, très mal. Et la nausée …
Au plus dur, au plus bas de ces jours, j’ai prié et pleuré vers le Seigneur en lui demandant une seule chose : que ça ne revienne jamais …
Je lui ai demandé aucune récidive, jamais.
Une fois qu’on est passé par là, qu’on sait ce qui vous attend, ça doit être trop dur de recommencer. Trop dur, insupportable. Je comprends ceux qui baissent les bras.
Quand je dis que je n’ai demandé qu’une chose au Seigneur, en fait j’en ai demandé deux :
La première, que mes enfants n’aient jamais le cancer, qu’ils ne passent pas ce chemin où je suis passée.
Entre les deux, je préfère celle-là !
Mardi 24 Août.
St Barthélemy
Long temps de prière aujourd’hui. J’ai récité la si belle prière de Charles de Foucault et me suis interrogée sur Dieu le Père. Qui est-Il ? Comment Le prier ? Ressemble-t-Il à Jésus ? (qui Me voit, voit le Père).
Chanté le chant « Maître montre-nous le Père ».
Je vais me concentrer sur cela dans mes prochains temps de prière. Puis lire longuement la Parole de Dieu : j’ai relu tout le livre de Tobie et l’intro aux livres de Tobie, Judith et Esther. Je pense relire le livre d’Esther dans les prochains jours.
Sinon, aujourd’hui tout va très bien !
En forme !!!
Mercredi 1er septembre.
Rentrée scolaire des enfants
Alexandre : moyenne section
Raphaël : rentrée au CP !
Maxime : rentrée au CE1.
Premier jour où Cyril n’est plus le directeur du Rocher …
Il est 6h du matin, ça fait une heure que je ne [me] rendors pas, on m’a changé les perf tout au long de la nuit quasiment toutes les heures ! Mais bon, moins dur que d’allaiter toutes les heures la nuit !! Et puis je peux dormir en journée.
Beaucoup pensé et prié pendant cette heure, les deux mêlés.
Pensé à la vie, à l’urgence de vivre qui nous apparaît tout à coup quand on se dit que c’est peut-être la fin, urgence de vivre dont ne se rendent pas compte « les autres ».
La vie ne devrait pas être cette survie dont on se contente souvent, enchaînement des habitudes, des silences, du bruit, des activités, Et comme la vie, l’amour non plus …
La vie devrait être vraie Vie, vie en abondance, jaillissement, effort conscient, présence à soi-même et aux autres.
Vraie présence. Habiter sa vie. L’enraciner dans nos habitudes, mais les habitudes habitées par nos choix, nourries par eux, orientés par eux, mêlé les souvenirs, les joies, les musiques, les échecs, les souffrances et les épreuves. Mais on ne peut pas vivre uniquement dans ses racines. Il nous faut chaque jour regarder, guetter ces feuilles vertes qui poussent, ces nouvelles fleurs qui s’ouvrent. Guetter la vie. Aimer la vie.
La Vie est comme l’Amour.
L’Amour est comme la Vie.
Il se bâtit sur les racines, un choix, une élection réciproque, puis les habitudes que l’on se choisit, les souvenirs, les rites, les promesses. Mais s’il n’est que cela, il meure.
Il nous faut regarder l’autre chaque jour, pas seulement le voir mais le regarder, se laisser surprendre à nouveau par sa beauté, tel trait auquel on s’est habitué, se laisser surprendre à nouveau par sa bonté, tel talent que le Seigneur a mis en lui/en elle, telle petite chose que l’on n’avait pas - pas encore ! – remarqué, tel effort qu’il ou elle a fait. […].
Vendredi 19 novembre.
Seigneur je veux te dire que je T’aime.
Je crois que je pourrai vivre cette épreuve si Tu es avec moi.
Je Te demande de m’aider, de me donner la force nécessaire.
Viens aussi aider et aimer Cyril et nos enfants, qu’ils ne souffrent pas trop encore une fois.
Eclaire-nous, Guide-nous, Soit le Maître en nos vies !
Seigneur, Papa, prends-moi dans tes bras, j’en ai besoin …
__________
Oui, c’est bien la Croix que j’ai reçue cette année …
Une chose me manque dans cette chambre de l’IPC.
J’ai une belle vue panoramique, mais aucun clocher, aucune église.
Ça me manque pour prier.
Je ne peux voir Dieu que dans mon cœur.
Mercredi 1er Décembre.
Dur aujourd’hui.
Fatiguée, pas le moral.
L’impression que je ne suis plus rien.
Tout ce qui faisait ma vie a disparu.
Je ne suis plus moi-même physiquement.
Je ne peux même plus m’occuper de mes enfants.
Je vais peut-être même devoir laisser ma vie.
Pourquoi ?
Pourquoi Seigneur ?
Pourquoi moi ?????????
Je sais maintenant pourquoi je suis fatiguée.
Le médecin vient de passer : plus de globules rouges ! Les globules blancs remontent, mais les rouges descendent. Du coup on va me transfuser cet aprèm ou ce soir.
Je me remettrai plus vite, c’est pas plus mal !!
Jeudi 16 décembre.
Anne-Sophie se consacre dans la Fraternité de Jésus en l’Eglise St Louis au Rove à Marseille nord.
Vendredi 31 décembre.
- Reçu pour cette année St Pierre Apôtre.
« Tu sais tout, tu sais bien que je t’aime »
= réponse à la question posée par le Seigneur il y a 1 an et demi.
+ Prier pour le St Père et l’Eglise.
- Prière à ND du Rocher
Ecrire + méditer.
Vivre avec Marie
Je t’ai vraiment reçue pour maman.
- reçue aussi pour cette année la joie comme grâce.
= ce dont j’avais besoin.
= je demande au Seigneur de me donner Sa joie !
- reçu encore comme cadeau un petit Jésus dans la crèche. Magnifique, souriant, plein de joie.
- reçu enfin, Jésus comme frère, pleinement, avec Cyril.
= beaucoup de cadeaux pour cette nouvelle année.
= reconnaissance, Louange !!
Lundi 3 janvier.
Anne-Sophie écrit la prière à Notre Dame du Rocher.
Marie, Notre Dame du Rocher, tu es notre mère si douce.
Tu as bercé Jésus Petit Enfant, alors prends-nous aussi dans tes bras.
Nous te présentons ce que nous sommes avec nos richesses et nos pauvretés, nos réussites et nos échecs, nos désirs et nos peurs.
Tu connais chacun d’entre nous car nous sommes tes enfants.
Nous avons besoin de toi pour nous guider, nous montrer le Chemin quand nous doutons, quand nous nous égarons, quand nous n’avons plus la force d’avancer.
Sois notre Etoile dans la nuit, toi la toute pure.
Tu étais là au pied de la Croix, ton Cœur a été transpercé en même temps que celui de ton fils et depuis ce jour tu es devenue notre Mère.
Donne-nous Jésus, montre-nous Son Cœur !
Donne-nous le tien pour l’aimer !
Aide-nous à l’accueillir dans nos vies pour que son Amour se répande autour de nous.
Nous pourrons alors vivre ensemble dans la paix, nous qui sommes tous enfants d’un même Père.
Vendredi 7 janvier.
Prière à Marie. Je lui confie ma guérison.
J’ai bu de l’eau de Lourdes et ai frictionné tout mon corps avec. Si quelqu’un peut obtenir ma guérison du Seigneur, c’est elle.
Envie de la connaître, de la prier plus longuement. Envie de méditer sur Marie au pied de la Croix. Que ressent-elle ? Peur ? Douleur ? Comprend-t-elle ou non ? Foi certainement, toujours, car garde Parole dans son cœur.
Moi aussi je veux garder cette Foi, cette confiance profonde en Dieu, quoiqu’il arrive.
Foi car confiance en Parole de Dieu. La garder dans mon cœur. C’est mon trésor. Mon secret.
Parole de Dieu qui me donne Sa Joie.
Oui Marie, comme toi, avec toi, je ne sais pas pourquoi tant de souffrance, de douleur, je ne comprends pas tout de suite, mais j’ai Foi en Dieu.
Est-ce que tu as su ? Compris, espéré une résurrection ? Peut-être, mais n’as-tu pas su comment ?
J’ai l’intuition d’une résurrection à venir, pour moi. Mais je ne sais pas quand, je ne sais pas comment.
La Résurrection de la guérison ?
La Résurrection après la mort ?
Je ne sais pas, Dieu seul sait.
Mais je sais qu’Il prend soin de moi.
Je l’aime, Il est mon Dieu, mon Roi, mon Père, mon Rocher, mon Espérance et ma joie !
Pas de date précise.
Père = Amour donné
Fils = Amour reçu
Esprit = Amour partagé.
Lundi 10 janvier.
Où il est question de chaussures…
L’autre jour, je pensais à mon enterrement. Je sais, ce n’est pas très réjouissant, mais autant s’y préparer !
J’y pensais donc, me représentant la scène (enfin pas trop tout de même, pour éviter les larmoiements !). Je visualise l’église, les gens, l’autel, mon cercueil, et là, question : que vais-je mettre le jour de mon enterrement ? C’est vrai ça, comment s’habiller pour son dernier voyage ? C’est peut-être un détail, mais qui a son importance ! A la réflexion, je décide de m’en occuper moi-même, parce que si je laisse les autres faire, ça va être la cata ! (ou alors je vais finir en robe de mariée). Je passe mentalement en revue ma garde-robe, pas grand-chose qui se prête à ce genre de circonstance. Je vais quand même pas mettre une robe noire, tout le monde sera déjà habillé comme ça.
Oui parce qu’à y bien réfléchir, je veux être en robe. Je ne me vois pas en jean ou autre pantalon.
Va pour une robe. Mais je veux une robe longue, simple, féminine, fluide, blanche. C’est décidé, elle sera blanche. J’espère que ce sera en été, ce sera plus facile à trouver ! Seulement, si je ne veux pas faire communiante, il faut autre chose. J’ai trouvé ! Je mettrai un foulard rose fuchsia sur la tête (en guise de cheveux !) Et pourquoi pas une rose de la même couleur sur la robe.
Bon, OK pour la tenue, mais il faut aussi des chaussures. Je ne vais tout de même pas être enterrée pieds nus ! Des chaussures, oui, mais lesquelles ?
Jeudi 13 janvier.
Courriel depuis son lit d’hôpital à son accompagnatrice.
Merci MC,
Pour ce réconfort après deux journées un peu plus dures;
Ai eu une nuit terrible niveau douleur (qui touchait les nerfs, donc dure à calmer) puis deux jours "KO". Après tous les antidouleurs, plus anti nauséeux très forts, ils m'ont mis des neuroleptiques en petite dose.
Mon pied à perf ressemble à un arbre de Noel tant il y en a dessus, mais à part ça je sais que Marie est avec moi.
J'ai eu une très belle discussion sur la Foi avec ma mère, aussi avec ma sœur, je rends grâce à Dieu pour ça parce c'est grâce à ce que je vis que l'on parle autant de chose vraies.
Tu dois te douter que ma prière est un peu chaotique et endormie (!!), je ne reprends pied que ce soir, tu vois... mais j'ai pu avoir la Communion aujourd'hui, je suis très heureuse car je l'aurai tous les jeudis en fin d'aprèm: la messe est célébrée à l'hôpital, et soit le prêtre soit une personne de l'aumônerie pourra me l'apporter.
Je te souhaite une bonne soirée, merci encore pour ton message!
Je t'embrasse,
Anne-Sophie
Vendredi 14 janvier.
SMS de Cyril à 00h12:
« Laurent [modérateur de la Cté de l’Emmanuel] m’a demandé que l’on prie et offre pour « une intention particulière » de la Cté ».
SMS d’Anne-Sophie à 00h13 :
« Ok ».
On lui propose de commencer un blog à l’hôpital. Le vendredi14 janvier à 7h59 elle écrit à propos du titre auquel elle pense :
Pourquoi les « P’tits Cailloux » ?
Parce que depuis toujours, j’aime ramasser et collectionner les jolis cailloux, coquillages, bois flottés… Parce que j’ai transmis le virus à mes enfants…
Parce que j’aime aussi observer les petites et grandes choses qui construisent mon quotidien, personnes, rencontres, objets, livres, les regarder sous un autre angle, découvrir dans ce qu’ils ont d’unique quelque chose de la beauté, de la grandeur, de la fragilité, de la profondeur de la vie, et les garder, comme un trésor…
Parce qu’avec lui, nous avons créé un Rocher il y a dix ans…
Parce qu’il y a six mois, un pavé est venu s’écraser sur mon bord de mer, éclaboussant tout sur son passage, balayant ma vie et celle de mes proches…
Parce que, de cette épreuve qui est aussi un chemin, je voulais garder une trace, comme le petit poucet, ne pas oublier…
SMS d’Anne-Sophie à 13h17 :
[je ne vais] « pas bien. prie »
A 3h du matin l'Institut Paoli Calmette de Marseille appelle Cyril (comme il le leur avait demandé) pour lui dire que la fin est imminente. Il s'y rend immédiatement. Il lui tient la main et prie pour l’accompagner jusqu'au bout. Le rythme des battements de son cœur baisse inexorablement. Voyant la fin toute proche, il lui confie une dernière fois "tes enfants et la mission du Rocher". A ce moment là, comme une réponse donnée par Anne-Sophie, son cœur se remet à battre beaucoup plus rapidement. Puis paisiblement se ralentit à nouveau. Cyril l'embrasse une dernière fois...
Le 17 janvier 2011 à 4h45 Anne-Sophie est entrée dans la Vie et l’Amour éternels...
"être une source de fraîcheur spirituelle pour les autres"
Anne-Sophie Tisserand